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Vaccin contre la CoVID-19 et maladies neuromusculaires : un important rapport de force

Le vaccin contre la CoVID-19 est là. Mais est-il efficace chez les personnes atteintes de maladies neuromusculaires ? Est-il recommandé ? Sous quelles conditions ? Le Blog du Téléthon a tenté d’obtenir quelques clés de compréhension, avec l’aide de la Doctoresse Maura Prella Bianchi, pneumologue au CHUV, à Lausanne. Interview. 

Alors, oui, c'est super, on a trouvé un remède contre la CoVID-19. Et, même s’il est de la responsabilité de chacun-e de choisir si oui ou non ce vaccin peut lui être utile, nous nous sommes demandé quels sont les effets, positifs comme négatifs, de celui-ci sur les personnes atteintes de maladies neuromusculaires.

C'est donc, en cette période « sans précédent » pour son service, que la Doctoresse Maura Prella Bianchi, pneumologue-cadre au CHUV, à Lausanne, a accepté de répondre à nos questions. On l’appelle par visioconférence…

Le Blog du Téléthon : Bonjour Docteure. C'est d’ordinaire votre rôle de prendre des nouvelles de vos patientes et patients. Mais, dans une période comme celle-ci, j'ai évidemment envie de vous demander : comment allez-vous ?

Dre Maura Prella Bianchi : Mais je vais bien, je vous remercie. Je suis prochainement en vacances *elle rit*. C'est une période très difficile, pour notre service. Nous sommes sous tension permanente et c'est sans précédent. Bien sûr, la médecine intensive, c'est notre travail. Et nous avons choisi ce travail. Mais ce n'est pas habituel pour nous de composer avec un virus dont la littérature évolue chaque jour. Ça demande également un grand devoir d’information. Sans oublier les patients qui ne sont pas atteints du virus, et qui ont besoin d'une médecine tout aussi intensive.

Vous êtes l’une des médecins du Service de pneumologie du CHUV, notamment en charge des patientes et patients atteint-e-s de maladies neuromusculaires et de mucoviscidose. Quel rapport entretient aujourd'hui cette population avec le virus ?

Ce sont des personnes extrêmement à risque. Attraper le virus pourrait avoir des conséquences graves pour elles. Mais il ne faut pas être fatalistes pour autant : certains de nos patients l’ont attrapé et s’en sont tout à fait bien remis. Ce n'est pas quelque chose d’absolu. 

Et le vaccin, parlons-en. « Je souffre d'une maladie neuromusculaire. Est-ce que je peux, aujourd’hui, me faire vacciner contre la CoVID-19 ? »

À priori, oui. La plupart des patients atteints de maladies neuromusculaires devraient pouvoir recevoir le vaccin. Ce que l’on sait pour le moment, à ma connaissance, c’est qu’aucun patient atteint de ces maladies n'a participé aux essais cliniques. Nous ne savons donc pas dans quelle mesure ces vaccins sont efficaces dans leur cas. Et c’est d’autant plus vrai pour les patients immunodéficients ou immunosupprimés. C’est-à-dire avec très peu – ou pas du tout, ça peut arriver – de défenses immunitaires. Mais nous savons aussi que le risque  d’infection, chez ces personnes notamment, est probablement plus important que ceux du vaccin. 

Et puis, il faut noter également que, chez les patients avec une atrophie musculaire forte – une atrophie, c’est quand le muscle « fond » parce qu’inactif –, le vaccin, et particulièrement le Pfizer, peine à développer la même dose d’anticorps que chez un patient « saint ».

Et pourquoi ?

C'est très difficile à expliquer simplement *elle réfléchit*. Un vaccin, il a pour but d'entraîner votre système immunitaire à réagir à une infection. Le vaccin dont on parle est à ARN messager. L’ARN, c’est une substance qui se présente dans toutes les cellules vivantes. Il va faire le lien entre notre code génétique – l’ADN qui est protégé au cœur du noyau des cellules – et la production des briques de l’organisme – les protéines. 

La paroi du SARS [acronyme anglophone de la CoVID-19 , ndlr.] contient une protéine appelée « S », qui lui sert de « clé » pour pénétrer et infecter nos cellules. Une fois injecté par voie intramusculaire, cet ARN est capté par les cellules musculaires – les patients atteints d’atrophie musculaire en sont déficitaires – et va produire la protéine « S » et l’exposer au système immunitaire. Comme ça, l'organisme va s'entraîner à détruire cette fameuse protéine et il s'en souviendra si jamais il est amené une fois à rencontrer le véritable virus. 

Et s'il fallait établir dans cette campagne de vaccination une priorité parmi les patientes et patients atteints par ces maladies, quelle serait-elle ? 

Je suis médecin et je pense que tout le monde devrait pouvoir se faire vacciner *elle rit*. Mais ce que les études laissent penser aujourd'hui c'est que les personnes atteintes de myasthénie grave et de dystrophie myotonique sont susceptibles de développer une forme grave de la CoVID-19. Par contre, aucune donnée ne permet à présent de dire qu’un patient qui souffre d'un type de maladie neuromusculaire donnée est plus exposé que quelqu’un d’autre.

Mais bon, voilà, évidemment que les patients qui prennent des médicaments qui suppriment le système immunitaire – je pense par exemple au Calcort –, qui ont des complications respiratoires, une toux inefficace, des problématiques cardiaques, ou  nécessitent souvent l'aide de leurs proches, sont évidemment des prioritaires parmi les prioritaires – si j’ose dire.

Bon, c'est bien beau tout ça. Mais… est-ce que l’on va un jour s’en sortir, Docteure Prella Bianchi ? 

Alors ça… « Un jour », ça, c'est sûr *elle hausse les épaules en riant* ! Après, quel jour, ça, c'est vraiment une autre question. Nous avons, à peu près, trouvé une « solution ». Maintenant, il faut voir si elle va fonctionner sur le long terme. Mais on espère. Et le personnel de l’hôpital a encore un peu de force pour se battre. Alors on va continuer !

Merci, Docteure Prella Bianchi. 


– Malick Reinhard 


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